Nous vivons désormais dans un village planétaire où les personnes, les biens et surtout les entreprises peuvent circuler et déménager sans entraves.
Et les technologies modernes ont complètement bouleversé les conditions dans lesquelles se déploie l’économie désormais mondialisée, voire financiarisée. Ainsi, une entreprise qui ne réalise pas son profit ici peut s’échapper ailleurs à travers toute la planète. Et la valeur d’une entreprise, naguère mesurée en fonction de son dynamisme et de ses innovations se jauge aujourd’hui en fonction de l’appétit des autres à vouloir l’absorber, en bref, selon le nombre et le niveau de l’offre publique d’achat déployée pour l’engloutir. A cela s’ajoute la boulimie des fonds de pensions qui exigent des entreprises qu’elles garantissent un niveau de rentabilité suffisant de leurs actions pour leur assurer un revenu satisfaisant.
De même, plutôt que de miser sur sa capacité à innover et à moderniser ses modes de production pour accroître sa compétitivité et son dynamisme, ou de revoir son mode de gestion pour réduire ses coûts, l’entreprise a tendance à user de la seule variable d’ajustement qui lui semble immédiatement à portée de main, à savoir l’emploi ou les salaires. On licencie ou à défaut on baisse les salaires sous la menace de la délocalisation.
Le résultat est connu : le chômage est devenu un fléau endémique, et plutôt que de réviser leur mode de raisonnement en fonction des mutations considérables qu’a connu le monde dans lequel nous vivons désormais, nombre de nos dirigeants et de nos penseurs se sont accrochés aux vieilles lunes que sont les idéologies du siècle dernier où les économies se géraient encore dans le cadre national et baignaient dans l’euphorie des « Trente Glorieuses ».
On réagit désormais comme si le pouvoir politique pouvait encore réguler l’économie dans le cadre national alors que celle-ci se déploie à l’échelle mondiale, sans que pour autant il y ait la moindre coordination internationale en la matière, ou si peu.
C’est dans ce climat délétère que vit aujourd’hui la France.
Un constat que révèle Arnaud Parmentier dans le journal « Le Monde » du 9/4/15 :
La richesse par habitant ne croît pas, elle recule : de 0,1% en 2012, de 0,2% en 2013 et de 0,1% en 2014. Donc plus de croissance. Et ce n’est pas un problème de droite ou de gauche quoi qu’en disent les « frondeurs ». Dans ce phénomène de ralentissement, l’Etat y a amplement sa part par les dépenses publiques engagées qui dévorent une bonne part des richesses produites. Le taux de ces dépenses atteint 57,3% du PIB, record mondial après la Finlande. Même phénomène pour les impôts. Et c’est le résultat de la progression de l’Etat social qui engloutit 32% du PIB. Il était en 1990 de 25,2%. Dans le domaine social, il est donc faux de prétendre que les gouvernements successifs ont pratiqué une politique libérale, « sociale-libérale » comme le prétendent les « frondeurs » jamais en retard d’une posture.
Et aujourd’hui que les caisses sont à peu près vides, comment vouloir poursuivre dans cette course à « toujours plus » sans mettre en péril notre indépendance budgétaire ? Car, fort heureusement, les taux d’intérêt pratiqués par les marchés financiers sont au plus bas et allègent favorablement le poids de la dette publique. Mais il suffirait que ces taux se relèvent pour que la dette publique devienne véritablement insupportable.
Alors, comment sortir de ce cercle vicieux ?
Sur la question budgétaire, l’Etat doit être exemplaire et réaliser d’importantes économies qui l’orientent vers une véritable indépendance envers les marchés financiers. Cela seul permettra que désormais ce soit réellement la politique qui commande l’économie. De Gaulle disait en son temps : « La politique ne se fait pas à la Corbeille ». Autres temps autres mœurs.
Ainsi, dans le domaine de la santé par exemple, l’OCDE considère que « les dépenses publiques pourraient être diminuées significativement sans compromettre la qualité et l’égalité d’accès aux soins ».
Dans le domaine de l’économie, les entreprises stagnent, n’embauchent plus, voire débauchent. Des plans sociaux se multiplient, des délocalisations ne cessent de se déployer. Et désormais, au moins 80% des embauches quand il y en a se font sous forme de CDD. C’est la précarité comme nouvelle norme sociale. Le chômage est donc la plaie qui menace le monde du travail et le plonge dans un climat d’insécurité permanente.
Dans ces conditions, ne rien faire revient à plonger la société dans une angoisse chronique, la peur du lendemain au ventre. La jeunesse est privée de projet d’avenir. Est-ce dans un tel monde que nous voulons vivre ? Et disons le tout net, se crisper sur ce que l’on nomme avec nostalgie « les acquis sociaux », cela revient à ne rien faire, à défendre certes ceux qui ont le privilège de conserver leur emploi, et dont le nombre se rétrécit progressivement. Mais les chômeurs, ceux qui doivent se contenter de la portion congrue pour survivre indéfiniment, que leur offre-t-on comme perspective, où sont leurs droits acquis, à ceux-là ?
Alors, le gouvernement tente d’agir. Mais les marges sont étroites. Certes, l’idéal serait d’intervenir énergiquement et immédiatement sur le pouvoir d’achat. Mais outre que les entreprises ne peuvent augmenter les salaires que si elles font des bénéfices, donc vendent, cela ne ferait que déplacer le problème. La production française est défaillante et l’accroissement de la demande ne ferait que doper les importations et déséquilibrerait encore plus la balance des échanges, et donc la balance des paiements.
Il faut donc agir en primauté sur l’offre, c’est à dire la productivité et la compétitivité des entreprises. Ainsi, plus elles produiront, et plus elles investiront et embaucheront.
C’est toute la démarche du gouvernement. Le pacte national pour la croissance la compétitivité et l’emploi, ainsi que l’Accord pour le Maintien de l’Emploi vont dans ce sens. C’est du donnant-donnant. Les entreprises sont aidées financièrement, et les salariés ont la garantie de leur emploi en cas de ralentissement économique. Mais ce mécanisme ne peut produire ces effets que si tout le monde joue pleinement le jeu.