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10 avril 2015 5 10 /04 /avril /2015 17:47
DONNANT-DONNANT

Nous vivons désormais dans un village planétaire où les personnes, les biens et surtout les entreprises peuvent circuler et déménager sans entraves.

Et les technologies modernes ont complètement bouleversé les conditions dans lesquelles se déploie l’économie désormais mondialisée, voire financiarisée. Ainsi, une entreprise qui ne réalise pas son profit ici peut s’échapper ailleurs à travers toute la planète. Et la valeur d’une entreprise, naguère mesurée en fonction de son dynamisme et de ses innovations se jauge aujourd’hui en fonction de l’appétit des autres à vouloir l’absorber, en bref, selon le nombre et le niveau de l’offre publique d’achat déployée pour l’engloutir. A cela s’ajoute la boulimie des fonds de pensions qui exigent des entreprises qu’elles garantissent un niveau de rentabilité suffisant de leurs actions pour leur assurer un revenu satisfaisant.

De même, plutôt que de miser sur sa capacité à innover et à moderniser ses modes de production pour accroître sa compétitivité et son dynamisme, ou de revoir son mode de gestion pour réduire ses coûts, l’entreprise a tendance à user de la seule variable d’ajustement qui lui semble immédiatement à portée de main, à savoir l’emploi ou les salaires. On licencie ou à défaut on baisse les salaires sous la menace de la délocalisation.

Le résultat est connu : le chômage est devenu un fléau endémique, et plutôt que de réviser leur mode de raisonnement en fonction des mutations considérables qu’a connu le monde dans lequel nous vivons désormais, nombre de nos dirigeants et de nos penseurs se sont accrochés aux vieilles lunes que sont les idéologies du siècle dernier où les économies se géraient encore dans le cadre national et baignaient dans l’euphorie des « Trente Glorieuses ».

On réagit désormais comme si le pouvoir politique pouvait encore réguler l’économie dans le cadre national alors que celle-ci se déploie à l’échelle mondiale, sans que pour autant il y ait la moindre coordination internationale en la matière, ou si peu.

C’est dans ce climat délétère que vit aujourd’hui la France.

Un constat que révèle Arnaud Parmentier dans le journal « Le Monde » du 9/4/15 :

La richesse par habitant ne croît pas, elle recule : de 0,1% en 2012, de 0,2% en 2013 et de 0,1% en 2014. Donc plus de croissance. Et ce n’est pas un problème de droite ou de gauche quoi qu’en disent les « frondeurs ». Dans ce phénomène de ralentissement, l’Etat y a amplement sa part par les dépenses publiques engagées qui dévorent une bonne part des richesses produites. Le taux de ces dépenses atteint 57,3% du PIB, record mondial après la Finlande. Même phénomène pour les impôts. Et c’est le résultat de la progression de l’Etat social qui engloutit 32% du PIB. Il était en 1990 de 25,2%. Dans le domaine social, il est donc faux de prétendre que les gouvernements successifs ont pratiqué une politique libérale, « sociale-libérale » comme le prétendent les « frondeurs » jamais en retard d’une posture.

Et aujourd’hui que les caisses sont à peu près vides, comment vouloir poursuivre dans cette course à « toujours plus » sans mettre en péril notre indépendance budgétaire ? Car, fort heureusement, les taux d’intérêt pratiqués par les marchés financiers sont au plus bas et allègent favorablement le poids de la dette publique. Mais il suffirait que ces taux se relèvent pour que la dette publique devienne véritablement insupportable.

Alors, comment sortir de ce cercle vicieux ?

Sur la question budgétaire, l’Etat doit être exemplaire et réaliser d’importantes économies qui l’orientent vers une véritable indépendance envers les marchés financiers. Cela seul permettra que désormais ce soit réellement la politique qui commande l’économie. De Gaulle disait en son temps : « La politique ne se fait pas à la Corbeille ». Autres temps autres mœurs.

Ainsi, dans le domaine de la santé par exemple, l’OCDE considère que « les dépenses publiques pourraient être diminuées significativement sans compromettre la qualité et l’égalité d’accès aux soins ».

Dans le domaine de l’économie, les entreprises stagnent, n’embauchent plus, voire débauchent. Des plans sociaux se multiplient, des délocalisations ne cessent de se déployer. Et désormais, au moins 80% des embauches quand il y en a se font sous forme de CDD. C’est la précarité comme nouvelle norme sociale. Le chômage est donc la plaie qui menace le monde du travail et le plonge dans un climat d’insécurité permanente.

Dans ces conditions, ne rien faire revient à plonger la société dans une angoisse chronique, la peur du lendemain au ventre. La jeunesse est privée de projet d’avenir. Est-ce dans un tel monde que nous voulons vivre ? Et disons le tout net, se crisper sur ce que l’on nomme avec nostalgie « les acquis sociaux », cela revient à ne rien faire, à défendre certes ceux qui ont le privilège de conserver leur emploi, et dont le nombre se rétrécit progressivement. Mais les chômeurs, ceux qui doivent se contenter de la portion congrue pour survivre indéfiniment, que leur offre-t-on comme perspective, où sont leurs droits acquis, à ceux-là ?

Alors, le gouvernement tente d’agir. Mais les marges sont étroites. Certes, l’idéal serait d’intervenir énergiquement et immédiatement sur le pouvoir d’achat. Mais outre que les entreprises ne peuvent augmenter les salaires que si elles font des bénéfices, donc vendent, cela ne ferait que déplacer le problème. La production française est défaillante et l’accroissement de la demande ne ferait que doper les importations et déséquilibrerait encore plus la balance des échanges, et donc la balance des paiements.

Il faut donc agir en primauté sur l’offre, c’est à dire la productivité et la compétitivité des entreprises. Ainsi, plus elles produiront, et plus elles investiront et embaucheront.

C’est toute la démarche du gouvernement. Le pacte national pour la croissance la compétitivité et l’emploi, ainsi que l’Accord pour le Maintien de l’Emploi vont dans ce sens. C’est du donnant-donnant. Les entreprises sont aidées financièrement, et les salariés ont la garantie de leur emploi en cas de ralentissement économique. Mais ce mécanisme ne peut produire ces effets que si tout le monde joue pleinement le jeu.

Or, comme l’a constaté le Premier Ministre, nombreuses sont encore les entreprises qui traînent les pieds. Concernant par exemple l’Accord pour le maintien de l’emploi (AME) créé en 2013, seules jusqu’à présent 10 AME ont été signés. On comprend que c’est parce que en cas d’accord, contre les contraintes imposées temporairement aux salariés, les entreprises doivent les indemniser. Mais que serait-ce du donnant-donnant si de leur côté, les salariés devaient être seuls à consentir quelques sacrifices au profit du maintien de la vie de l’entreprise et donc de ses bénéfices ? De ce point de vue, le MEDEF en veut toujours plus, et semble profiter de la conjoncture pour tenter de rogner davantage sur leurs devoirs. On voit même des patrons se doter de revenus pharaoniques tout en déclarant leur entreprise en faillite. Naguère, M.Sarkosy n’avait-il pas reconnu qu’il y avait des patrons voyous ? Ce sont ceux-là qui déconsidèrent la fonction et nourrissent la méfiance, voire l’hostilité des salariés.
Du côté des « frondeurs » et des autres idéologues, toutes ces initiatives du gouvernement sont vues comme des cadeaux faits aux patrons. La politique entreprise est qualifiée de « sociale-libérale », le terme étant employé sur le mode de l’insulte suprême, comme autrefois, du temps du communisme pur et dur, on utilisait le vocable insultant de « social-démocrate » ou plus directement de « social-traitre » étant entendu que la traitrise était perpétrée à l’encontre du peuple. Toute cette dérive verbale produite avec la certitude de détenir la Vérité, sans se rendre compte qu’en se cramponnant à ce dogmatisme rigide, on oublie ceux qui souffrent et moisissent dans l’immobilisme des nantis. Pour les frondeurs, au nom de l’orthodoxie, ne rien changer plutôt que chercher des voies nouvelles pour résoudre les difficultés de ce qui est une véritable mutation de l’économie et non pas une crise. Alors qu’une crise est conjoncturelle, la mutation est structurelle, donc durable. Il faut donc changer de mode de fonctionnement.
Les entreprises ont pour objectif réel de faire du profit, et c’est le profit qui les incite à embaucher pour en faire encore davantage. Et en cas de ralentissement, si les prélèvements sont maintenus, pour conserver un certain niveau de profit, on sait qu’elles ont tendance à trancher dans ce qui leur paraît comme le plus commode, l’emploi ou la délocalisation. C’est pour pallier cette tendance que le gouvernement de Manuel Valls a choisi d’agir en prenant les mesures rappelées plus haut. Ce ne sont nullement des cadeaux faits aux patrons mais des mesures incitatives à l’investissement et à la compétitivité, pour impulser au bout du compte la création d’emplois. A condition que les chefs d’entreprises jouent franc jeu et ne se bornent pas à utiliser les capitaux mis à disposition pour abonder leurs marges.
A monde nouveau, initiatives nouvelles. « Tout, de ce qui existait, avait été essayé » comme l’avait reconnu François Mitterrand. Donc, il reste à innover. Tout en sachant que « l’Etat ne peut pas tout » comme l’avait déclaré Lionel Jospin. Aux entreprises d’assumer pleinement leur rôle. L’Etat joue le sien.
Mais on comprend l’impatience des laissés pour compte. La gauche avait trop promis. François Hollande, tenaillé par la volonté de recueillir toutes les voix de gauche et contrecarrer le maximalisme de J.L. Melenchon d’une part, et soucieux de ne pas paraître revanchard en dressant un sombre tableau de l’héritage laissé par M.Sarkosy a tenu un discours du Bourget qui pouvait laisser penser que tout restait encore possible. Trop d’espoir est né de ce malentendu, laissant les citoyens aujourd’hui profondément déçus par la découverte de la réalité et impatients devant la lenteur des résultats à venir.
Et devant l’abattage mené par les « frondeurs » et autres idéologues absorbés dans leur souci de se positionner pour l’avenir « au cas où », certains se demandent hâtivement si gauche et droite, en définitive, ce n’est pas « bonnet blanc et blanc bonnet » comme déclarait jadis le tonitruant communiste Jacques Duclos.
Du point de vue économique, certes, la marge de manœuvre dont dispose le pouvoir politique à l’intérieur des frontières est très étroite, et on pourrait penser que la droite et la gauche ne diffèreraient que de façon très ténue. Mais sur le plan social ou sociétal ?
La droite aurait-elle adopté le projet d’indexer les allocations familiales sur le niveau des revenus des ménages ? Et surtout aurait-elle élaboré le projet de loi de santé imposant à terme le tiers payant ? Quand on sait que 25% des familles ne se soignent plus à cause des frais médicaux pour elles insupportables, allez leur dire que droite et gauche c’est blanc …etc… : C’est bien baliverne à dormir debout. Aussi, demandons-nous pourquoi des fléaux comme la tuberculose ou la galle, qu’on croyait définitivement éradiqués chez nous réapparaissent, et notamment dans les foyers les plus pauvres. Et à eux, il serait inconvenant de prétendre qu’une telle mesure n’est que broutille.
Et la gauche oserait-t-elle tenir des propos méprisants qualifiant les aides accordées aux chômeurs d’ »assistanat cancer de la société » ?
Fort heureusement, il existe encore aujourd’hui une offre d’alternance dans le monde politique, il suffit de plonger dans une sérieuse réflexion sans dogmatisme.
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