Le Front national et les autres
« A quinze jours du premier tour des élections départementales (du 22 mars 2015), le F.N. est crédité de sondages extrêmement favorables », titre Le Monde du 7/3/2015. Ou bien : « Pourquoi la gauche reste passive face au F.N. ? ». Ou encore : « Le premier ministre a appelé les intellectuels à se mobiliser contre le danger de l’extrême droite ».
Mais pour se mobiliser, encore faut-il avoir des munitions. Quelles propositions ou réponses pratiques répondant aux attentes des humbles avancent nos élites ? Leur tiennent-elles seulement un langage audible, compréhensible, qui n’émanerait pas du sabir technocratique habituel ? Nos excellences se parlent entre elles, usent d’un discours appris dans les hautes sphères de l’ « énarchie » et indigeste au commun des mortels.
Et que dire de la droite, engoncée dans sa propre guerre des chefs et incapable de proposer un programme alternatif de gouvernement ?
Journaux et observateurs de tous bords ressassent cette rengaine à chaque veille de périodes électorales, et ce, depuis belle lurette. Et rien ne vient contrecarrer ce climat sondagier.
La réalité, c’est que, certes, Marine Le Pen avance des propositions qui relèvent toutes de la prestidigitation ou de l’abracadabra propre aux bateleurs de foire, mais au moins, elle donne aux pauvres et aux laissés-pour-compte de la mondialisation le sentiment qu’elle les a entendus et qu’elle leur parle de leurs malheurs, ce qu’elle fait avec constance. Et peu leur importent par ailleurs ses positions contraires aux valeurs de la République. Et pendant ce temps, les partis dits de gouvernement se livrent, les uns à des batailles d’egos et de chefs visiblement soucieux avant tout de préserver leur rente de situation, les autres au rabâchage des vieilles lunes que la mondialisation a rendues inopérantes ou contreproductives. A un monde radicalement transformé, ils rabâchent inlassablement des solutions déconnectées du réel, cramponnés à une idéologie antédiluvienne. Tous n’ont pour souci essentiel que de préserver leur bastion, de prolonger indéfiniment leur mandat, au besoin d’en cumuler autant que faire se peut, en s’efforçant essentiellement de camper une posture qui leur donne une façade défendable.
Quant à ce qu’il reste de militants notamment des partis de gauche, ceux qui auraient dû être au plus près des tourments des humbles et des sans grades, fossilisés qu’ils sont par leur trop longue et trop exclusive fréquentation des allées du pouvoir, ils ont oublié ce pour quoi ils se sont engagés dans l’action politique pour ne plus que se prélasser dans les poisons du bien être et des délices de la « dolce vita ». Ils nagent dans « l’entre soi » et ne voient plus ce qui se délite autour d’eux dans la société.
Sinon, comment interpréter leurs récriminations à chaque tentative du gouvernement pour donner un peu d’air à ceux qui souffrent, qui n’ont pas de réseaux ou de soutiens pour les sortir du marasme ? Par exemple, que dire des pleurnicheries des nantis quand il est question d’indexer les allocations familiales aux revenus des ménages, ou encore s’il est question d’instaurer le tiers payant en médecine pour favoriser l’accès aux soins pour les pauvres qui fuient par manque de ressources le cabinet du médecin ? « Qu’ils aillent à l’hôpital » entend-on ici ou là. Est-ce cela une réponse de gauche ? Autrement dit, une médecine de riche qui assurerait aux nantis le droit à un médecin de famille, et pour les autres, l’attente interminable aux urgences des hôpitaux dont le rôle serait ainsi dévoyé ? Qu’on se souvienne de la réponse de la reine Marie-Antoinette à ceux qui lui rapportaient que les pauvres n’avaient plus de pain : « Qu’ils mangent donc de la brioche » répondait-elle, tellement proche était-elle des miséreux. On sait ce qu’il en est résulté. A trop laisser se creuser le fossé qui sépare les gans d’en haut des gens d’en bas, les premiers risquent de sombrer corps et âme dans le gouffre qu’ils auront laisser croître au plus grand profit du populisme habilement cultivé par Marine le Pen.. Il faut leur rappeler inlassablement qu’il y a peu du Capitole à la Roche Tarpéienne.