Dans l’entrevue que Madame Tzipi Hotovely, ministre déléguée des affaires étrangères de l’Etat d’Israël a accordée à l’hebdomadaire « L’Obs » du 27/7/2017, elle affirme avec énergie ; « Il n’y aura jamais d’Etat palestinien ! ». S’appuyant à l’évidence sur le texte biblique, elle évoque « le lien historique du peuple juif avec la terre d’Israël … Notre lien avec la terre d’Israël remonte à 4000 ans ».
De fait, en voici les termes tirés de « la Bible de Jérusalem » des éditions Fleurus/Cerf 2001, Ancien Testament :
L’Exode. 2 : le code de l’Alliance : Promesses et instructions en vue de l’entrée en Canaan[1] :
Dieu s’adresse à Moïse qui erre dans le désert en compagnie des siens après leur fuite d’Egypte :
« Voici que je vais envoyer un ange cl devant toi, pour qu'il veille sur toi en chemin et te mène au lieu que je t'ai fixé. Révère-le et écoute sa voix, Ne l'aigris pas: il ne pardonnerait pas vos transgressions car mon Nom est en lui. Mais si tu écoutes bien sa voix et fais ce que je dis, je serai l'ennemi de tes ennemis et l'adversaire de tes adversaires. Mon ange ira devant toi et te mènera chez les Amorites, les Hittites, les Perizzites, les Cananéens, les Hivvites, les Jébuséens, et je les exterminerai. Tu ne te prosterneras pas devant leurs dieux ni ne les serviras ; tu ne feras pas ce qu'ils font, mais tu détruiras leurs dieux et tu briseras leurs stèles. Vous servirez Yahvé votre Dieu, alors je bénirai ton pain et ton eau et je détournerai de toi la maladie, Nulle femme dans ton pays n'avortera ou ne sera stérile et je laisserai s'achever le nombre de tes jours,
Je sèmerai devant toi ma terreur, je jetterai la confusion chez tous les peuples où tu pénétreras, et je ferai détaler tous tes ennemis. J'enverrai devant toi des frelons qui chasseront les Hivvires, les Cananéens et les Hittites devant toi. Je ne les chasserai pas devant toi en une seule année, de peur que le pays ne devienne un désert où se multiplieraient à tes dépens les bêtes des champs, Je les chasserai devant toi peu à peu, jusqu'à ce que tu aies assez fructifié pour hériter du pays. Je fixerai tes frontières de la mer des Roseaux à, la mer des Philistins, et du désert au Fleuve, car je livrerai entre vos mains les habitants du pays, et tu les chasseras devant toi. Tu ne feras pas alliance avec eux ni avec leurs dieux. Ils n'habiteront pas ton pays, de peur qu'ils ne te fassent pécher contre moi car tu servirais leurs dieux et ce serait pour toi un piège. »
Madame Tzipi Hotovely balaie d’un revers de main le droit des peuples de disposer d’eux-mêmes. Et pour conforter sa thèse, elle mêle l’Histoire et les mythes.
Jamais, la Bible n’a été considérée comme un document historique. La religion est une croyance, y adhère qui veut, ses textes relèvent de la foi et non de la raison.
Certes, des faits évoqués dans les textes bibliques renvoient à des évènements attestés par l’Histoire, mais on ne doit pas occulter le fait qu’ils ont été interprétés dans la Bible pour illustrer et conforter la Geste divine. Libre aux thuriféraires d’y adhérer, et aux sceptiques d‘en dénier la véracité.
A partir de là, une alternative :
Ou bien la Bible a valeur historique, et elle prouve que les Hébreux ont conquis la Palestine et chassé les peuples qui y vivaient. Pourquoi alors, auraient-ils plus de légitimité sur cette terre que d’autres conquérants après eux ?
Ou bien la Bible appartient au domaine de la poésie ou de la transcendance, et nous devons rechercher ailleurs la voie du raisonnement politique.
L’Etat d’Israël est né au sortir de la seconde guerre mondiale de la volonté de Juifs européens cherchant à fuir une Europe rongée par un antisémitisme endémique ayant produit le pire génocide , et qui voulaient bâtir un Etat reflétant leur propre identité. Ils se voulaient Juifs et Israëliens, puisant leur culture dans le judaïsme. Les fondements de cette culture ne pouvaient donc être que bibliques. Il en découle le « peuple élu », la « Terre promise » et les textes qui confortent tout ce corpus. L’élaboration du « roman national » s’est mis en marche. Il faut lire l’historien israélien Slhomo Sand pour comprendre tout ce processus.
Au départ, il faut que les choses soient claires : Bien que de caractère colonial, l’Etat d’Israël a été reconnu dès sa création en 1948 par l’ensemble des Etats de l’O.N.U. Il ne s’agit donc nullement de contester désormais sa légitimité[2]. Et d’ailleurs, qui songerait sérieusement aujourd’hui à mettre en péril l’Etat d’Israël ? Toute déclaration tonitruante n’est que rodomontade et posture. Et les Etats-Unis sont là, qui réagiraient énergiquement contre toute tentative de menacer l’existence d’Israël. Au-delà de toute considération stratégique ou géopolitique, les Américains ont profondément conscience d’avoir avec les Israëliens une communauté de destin. L’acte fondateur pour les uns est le « Mayflower », et pour les autres l’ »Exodus ». Tous ont connu à l’origine de leur odyssée la volonté de sauvegarder leur foi religieuse.
Mais de quel droit, sa propre légitimité autorise-t-elle Israël à contester aux Palestiniens le droit d’avoir leur propre Etat et leur propre territoire, selon l’adage : « Un peuple, une terre » ? D’être maîtres chez eux dans tous les domaines ? Toutes ces exactions et ces vexations réservées aux Palestiniens par le pouvoir israélien ne sont-elles pas autant de gestes vexatoires, humiliants adressées à un peuple maintenu sous étroite tutelle ? Les confiscations de maisons, les destructions d’oliveraies, les multiples check-points imposés, sont-ce la meilleure manière d’accorder, ou plutôt d’octroyer à ce peuple son autonomie ?
Comment les Juifs de Palestine se sont-ils conduits envers les Britanniques quand ces derniers exerçaient encore leur tutelle en terre palestinienne avant 1948? Espèrent-ils sérieusement que les Palestiniens d’aujourd’hui se contentent d’une molle passivité face à la spoliation de leurs terres en Cisjordanie et à une pernicieuse colonisation hors de toute légalité?
Alors, exprimer librement ces opinions, cela exposerait-il à être comme à l’accoutumé taxé d’antisémitisme ? Verrait-on de nouveau se déployer comme une arme de destruction massive ce terrorisme intellectuel qui vise à museler la contradiction à la doxa ? Et en définitive, continuera-t-on encore longtemps à brandir le totem de la Shoa pour faire taire par complexe de culpabilisation toute contestation à la doctrine officielle de l’Etat d’Israël ?
Eh bien non. Il ne faut pas craindre de dire à ce « peuple sûr de lui et dominateur » (Dixit De gaulle) qu’il fait fausse route et qu’il contribue lui-même à laisser se développer et croitre son insécurité.
[1] la région comprise entre la Méditerranée et le Jourdain
[2] Les frontières internationalement d’Israêl reconnues telles que lors de son admission à l'ONU sont celles dites « de 1967 » et suivent les lignes d'armistice de la guerre israélo-arabe de 1948. Elles ne sont néanmoins pas reconnues dans le monde arabo-musulman à l'exception de l'Égypte, l'Autorité palestinienne et la Jordanie.
Le Golan et Jérusalem-Est ont été annexés par Israël en 1982 et elle y exerce l'administration civile. Toutefois, ces annexions ont été condamnées par une part conséquente de la communauté internationale. Israël occupe également une partie la Cisjordanie où elle exerce une administration militaire. Israël considère la Cisjordanie comme un « territoire disputé » plutôt que comme un « territoire occupé ».