Précisons quelques évidences.
Le but des entreprises est de faire du profit. Et en prospérant, elles font progresser l’économie du pays, et donc son enrichissement. Cela se mesure à travers la variation du P.I.B (Produit Intérieur Brut). Ce sont elles qui créent les richesses.
Quant aux emplois qu’elles créent, cela dépend de la variation de leurs carnets de commandes. Il paraît évident que si les carnets de commandes sont vides, les entreprises ne peuvent pas continuer à payer des employés à ne rien faire au risque de précipiter leur propre naufrage. Dans un environnement mondial, les carnets de commandes dépendent étroitement de la compétitivité. On peut considérer que c’est en quelque sorte une guerre commerciale. N’oublions pas que nous vivons désormais dans « le village Monde »
Il appartient donc à l’Etat de créer les conditions propices à la croissance de l’économie, donc à la prospérité des entreprises. Bref, il s’agit de rendre les entreprises compétitives au regard de leurs concurrentes à travers le monde.
Dans ce contexte, les mesures que prend le gouvernement dirigé par Edouard Philippe sous la houlette du Président de la République Emmanuel Macron ne me surprennent ni ne me choquent aucunement. L’Etat est dans son rôle.
Mais, l’Etat devrait aussi faire comprendre aux chefs d’entreprises que la compétitivité ne relève pas exclusivement des charges et du code du travail. Elle dépend aussi de l’esprit d’innovation des chefs d’entreprises et de la rationalité de la gestion entre autres.
Cependant, dans l’action gouvernementale, tous comptes faits, n’est-on pas resté au milieu du gué ? Dans une perspective « gagnant-gagnant », le compte n’y est pas. Pour le moment en tout cas.
Le candidat Macron s’était déclaré « Et de gauche et de droite ». La droite est au rendez-vous. Rien d’étonnant. Un premier ministre Edouard Philippe venu de la droite et qui avait d’abord défendu le programme d’Alain Juppé, un ministre de l’Economie Bruno Lemaire candidat malheureux à la primaire de la droite et un ministre du budget Gérard Darmanin qui avait soutenu dans cette même primaire la candidature de François Fillon avant le naufrage de ce dernier, tout ce monde ne pouvait manifestement pas débarquer subitement avec armes et bagages à gauche. Certes. Mais c’est sous la direction d’un Président de la République auto-proclamé « et de droite et de gauche » et surtout « jupitérien » qu’ils sévissent. Leur marge est donc étroite, et on devrait retrouver cette oscillation présidentielle dans les mesures décidées. Or, pour le moment comme Sœur Anne, on ne voit venir à l’horizon ordonnancielle « que le soleil qui poudroie et l’herbe qui verdoie ».
Ainsi, la flexibilité de l’emploi est bien au rendez-vous. Mais quid de la sécurité ?
Les salariés vont voir leur bulletin de salaire s’améliorer grâce à la baisse des cotisations salariales. Mais en deux temps, et la compensation par l’augmentation de la CSG va frapper de plein fouet des retraités fragiles. Certes, 40€ de moins par mois pour des retraites de plus de 2000€, si cela permet d’améliorer le salaire des actifs les moins favorisés, cela répond au souci de la solidarité. Mais qui peut sérieusement croire que les retraités qui perçoivent une retraite mensuelle de 1200€ sont des retraités favorisés comme le prétend le gouvernement ? Cela frise la désinvolture, la provocation ou le mépris.
Retirer 5€ à l’APL, est-ce de la solidarité envers les étudiants qui le plus souvent sont contraints d’exercer un petit emploi pour compléter leurs maigres revenus, temps pris évidemment sur leur temps d’étude ?
Dans le même temps exonérer de l’ISF la fortune mobilière pour ceux qui déjà ont les moyens de distraire de leurs revenus de quoi bénéficier de plus values tout en menant une existence confortable, est-ce faire exemple de solidarité ?
Le flexibilité de l’emploi aurait pu se justifier dans le contexte actuel si elle avait été solidement contrebalancée par des mesures assurant la sécurité du salarié. Car, dans les périodes de non-emploi, quels moyens d’existence pour le salarié et sa famille ?
Où sont les mesures lui garantissant une possibilité de reconversion sérieuse, de relogement décent, d’emprunt suffisant soit pour se reloger, ou pour se procurer le véhicule qui lui permettrait d’accepter un emploi à plus de 10km de chez lui ? Les banques le considéreraient-elles comme un emprunteur solvable ?
Au moment où le contenu des ordonnances est mis sur la place publique, il nous est affirmé que tout n’est pas terminé. Le chantier n’est paraît-il qu’à ses débuts. Prenons en acte. Mais n’eut-il pas été plus judicieux et surtout plus rassurant, notamment pour tous ceux qui s’estiment désormais laissés pour compte, de construire un bloc d’ensemble où chacun aurait trouvé son compte sans avoir à se résigner à une patience sans limites après avoir cru à l’avènement sans délai d’un monde plus juste ? Tant de promesses non tenues ou d’échecs inexpliqués ont détourné les citoyens d’un monde politique taxé d’incompétence ou de duperie, au bénéfice de bonimenteurs et d’extrémistes de tous bords.
Et je pense surtout aux gens de gauche qui, lassés de discours convenus, de dogme éculé ou de postures confortables avaient choisi de donner sa chance à ce nouvel arrivé en politique qui semblait tenir enfin un langage chargé d’espoir et de renouveau. On en avait assez du climat décliniste ambiant. L’événement et l’époque rappelaient un peu le climat qu’avait su créer en son temps Pierre Mendés-France, pourfendeur de la routine stérile qu’avait entretenue Guy Mollet, Président du Conseil (Premier ministre de la IVè République) qui s’était montré incapable de résoudre le problème algérien et avait trahi les espoirs de la gauche.
On voulait donner sa chance à Emmanuel Macron, prometteur d’un programme « Et de droite, et de gauche », décidé à rénover la vie politique et ses pratiques, et faire mentir le slogan mitterrandien « On a tout essayé » et l’aveu jospinien « l’Etat ne peut pas tout ».
Que nous apportera la suite ? Les promesses seront-elles enfin tenues ?