Faut-il légaliser l’euthanasie ? Poser le problème sous cette forme, c’est se borner à n’offrir à celui qui souffre le martyre que le choix entre la mort et une existence soumise à une insupportable souffrance physique. Ose-t-on prétendre qu’il en aurait le choix ? Y aurait-il en l’occurrence une liberté quelconque ?
Le généticien Axel Kahn considère que la véritable liberté serait le choix entre la souffrance indomptable et une fin d’existence apaisée, entouré d’une famille attentionnée.
Quant à Michel Houellebecq, il déclare très justement au journal le Figaro qu’ « une civilisation qui légalise l’euthanasie perd tout droit au respect ».
La loi Leonetti adoptée en 2005 devrait pourtant se suffire à elle-même. Elle autorise sous certaines conditions le médecin à administrer au patient terrassé par la douleur ce qu’il juge « nécessaire à son confort, » ou à interrompre tout traitement « dont le prolongement semblerait relever de l’obstination déraisonnable ». C’est prendre en compte le droit du patient à des soins palliatifs, et la proscription de l’acharnement thérapeutique.
Légaliser l’euthanasie reviendrait à admettre qu’un patient affecté d’un mal momentanément incurable accompagné d’une souffrance insupportable pourrait ( devrait ?) logiquement disparaître. Ce serait insensiblement glisser vers une sorte d’eugénisme par défaut.
Après qu’on aurait éliminé la souffrance qu’on ne maitriserait pas, pourquoi s’arrêter au handicap, à la malformation ou à l’insuffisance mentale supposée ?
Un autre argument voudrait que, puisqu’on peut franchir les frontières pour pratiquer l’euthanasie, l’interdire en France relèverait d’une hypocrisie, et creuserait encore plus s’il le fallait les inégalités.
Mais alors, puisque la même facilité existe pour la gestation pour autrui (G.P.A.), légalisons la !
Ou encore, l’opinion serait majoritairement favorable à la légalisation de l’euthanasie. Se souvient-on qu’à la veille de l’élection présidentielle de 1981, l’opinion publique était majoritairement favorable à la peine de mort ? Qu’en a fait courageusement François Mitterrand ?
Tous arguments pour le moins fallacieux !
Mais poussons le cynisme à l’extrême, cet eugénisme officialisé ne serait-il pas la solution à une économie bien comprise du budget de la santé ?
Il fut un temps et un lieu où on proposait aux écoliers de calculer le coût de l’entretien d’un handicapé pour la société, et d’en tirer implicitement une conclusion ! Est-ce ainsi que les humains voudraient vivre ?
Alors, oui, Axel Kahn et Michel Houellebecq ont mille fois raison.