Le journal « Le Monde » du 8/11/20 page 9, sous le titre « «Des malades ne seront pas pris en réanimation. On s’y prépare» relate les propos de Bertrand Guidet, chef du service de réanimation à l’hôpital Saint-Antoine, à Paris :
« Il y a une grande inquiétude …
Le facteur limitant, ce ne sera ni les locaux, ni les médicaments... Ce sera le personnel. Les 10 000 lits promis par le ministre de la santé, Olivier Véran, on n’y arrivera pas. En Ile-de-France, au pic de la première vague, on est monté à 2 700 lits, contre 1 100 en temps normal. Cette fois, on n’arrivera jamais à en ouvrir autant, car nous n’aurons pas le renfort des soignants d’autres régions et le personnel est fatigué.
Par ailleurs, il va falloir continuer à accueillir les patients non Covid….
Comment va-t-on tenir dans la durée ? Il y a des malades qui ne seront pas pris en réanimation. On s’y prépare …
On peut avoir une approche égalitaire – une vie vaut une autre vie – ou une approche utilitariste – certains patients, par leurs caractéristiques, sont plus prioritaires que d’autres. Entre une mère de trois enfants et un homme de 80 ans, faut-il tirer au sort pour attribuer le dernier lit disponible ? Bien sûr que non … ».
Nous avons besoin d’un débat de société sur ce sujet … C’est un sujet tellement difficile. Où met-on le curseur ? Qu’est ce qui est acceptable ? Qu’est-ce qui ne l’est pas ? »
Ces réflexions, ce sont celles d’un humaniste confronté aux problèmes que lui impose brutalement autant que de façon immédiate, la pandémie du cobid-19 .
Mais comment une société bouffie de technologie de pointe prometteuse de bien-être et de sécurité absolue se trouve-elle soumise à un tel dilemme ?
Choisir entre la morale et l’utilitarisme, entre la mère de trois enfants et le vieillard qu’on voudrait présenter pour les besoins de la cause comme cacochyme et passablement gâteux, évidemment, « il n’y a pas photo » comme on serait tenté de répondre. Tout de même une question de société plus profonde qu’il n’y paraît : quelle est la place des vieux dans nos sociétés où l’existence et « les besoins primordiaux étant satisfaits, et même avant, l’homme désire intensément, mais il ne sait pas quoi » ( René Girard)?
Mais ce problème ne surgit pas de néant, il ne s’impose que parce que des responsabilités l’ont laissé naître.
Le rôle d’un gouvernement est d’armer la société qui l’a mis en place contre les aleas de la vie, et notamment de lui garantir la sécurité y compris sanitaire. Il doit faire des choix.
Or, quid du programme de santé élaboré et pratiqué par nos gouvernant successifs depuis bien des décennies ? : Suppression drastique des moyens notamment dans le domaine de la santé, moins d’hôpitaux, moins de lits, moins de personnel soignant, une politique de désertification de ce domaine qui constitue pourtant la base du bien-être et de la sécurité.
Il y a là une question de responsabilité dont il faudra bien que les gouvernants rendent compte.
Au temps de la Grêce antique, au sortir de leur mandat, les magistrats étaient obligatoirement soumis à la reddition des comptes, et ne partaient libres qu’avec le quitus.