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2 septembre 2020 3 02 /09 /septembre /2020 14:02
Qui est Charlie?

Le 2 septembre 2020 s’ouvre le procès des attentats commis en janvier 2015 et qui avaient provoqué la mort de 17 personnes, dont des journalistes de Charlie-hebdo qui avaient caricaturé Mahomet. Dans le banc des accusés, 14 personnes soupçonnées d’avoir aidé à différents degrés d’implication les frères Kouachi et Coulibali, auteurs des attentats.

A cette occasion, l’hebdomadaire reproduit les caricatures incriminées. Et du coup réapparaît le débat sur la question du blasphème, et plus largement de la liberté d’expression et de critique.

Dans la France républicaine et laïque, le blasphème n’existe pas, et le droit de critiquer ou de caricaturer toute religion est libre. Mais que met-on dans ce concept de liberté ? Pas tout et n’importe quoi. Il y a la loi, mais il y a aussi ce qu’on appelle le savoir-vivre, on dit aujourd’hui le vivre-ensemble.

Par exemple, on ne voit plus aujourd’hui affiché sur les murs des villes « Défense de cracher » ou « Défense d’uriner ». Cela signifie-t-il que cela serait désormais toléré ? Entre gens de bonne compagnie, certes non.

Il y a donc la loi, mais aussi la bienséance qui n’est l’apanage ni de « la Haute » ni des « petits bourgeois », mais simplement la règle qui fait que sans cela, «  l’enfer c’est les autres » (J.P. Sartre dixit)

Personne n’est obligé d’acheter ou de lire Charlie-Hebdo. Donc, nul ne peut prétendre avoir été personnellement et volontairement  blessé par l’hebdomadaire qui a librement exercé son droit à l’expression.

En revanche, quand la jeune Mennel Ibtissem conforte publiquement des thèses complotistes et tient des propos injurieux contre l’Islam, ou que la lycéenne Mila emploie des termes scabreux sur les réseaux sociaux ouverts à tous, elles franchissent une limite qui contrevient à la bonne conception de la liberté d’expression. Qu’elles le veuillent ou non, elles s’expriment sur la voie publique exposée à tous.

Jadis, Boris Vian avait écrit « J’irai cracher sur vos tombes », livre qu’on était libre d’acheter et de lire ou pas. Liberté d’expression encore, pleine et entière. Mais serait-il passé publiquement à exécution qu’il aurait mérité la réprobation publique.

De même, un artiste peut dessiner, peindre, sculpter Jésus sous toutes les formes les plus scabreuses s’il s’en sent inspiré, mais en imposer la vue au public serait une perversion de l’idée de liberté.

Blesser autrui dans ce qu’il a de plus sacré n’est interdit par aucune loi, mais quid du savoir-vivre et du respect de l’autre ? Ou bien, faudrait-il laisser à chacun libre cours aux instincts les plus débridés, au nom de la liberté ? Serait-ce l’aube d’une nouvelle barbarie ?

Il ne faut voir aucune auto-censure dans cela, mais un souci de faire régner la paix sociale.

Pour revenir à un peu plus de sagesse, relisons attentivement ce qu’a écrit le philisophe André Comte-Sponville dans « Le capitalisme est-il moral ? » Editions Albin Michel. p 52-53) et qui pourrait nous servir de vade mecum :

« Imaginez un individu parfaitement respectueux de la légalité du pays dans lequel il vit, qui ferait toujours tout ce que la loi impose, qui ne ferait jamais ce que la loi interdit – le parfait légaliste. Mais qui s'en tiendrait à cette unique détermination. Et essayons de voir ce qu'il pourrait en advenir …

Aucune loi n'interdit le mensonge - sauf dans quelques circonstances, par exemple commerciales ou contractuelles particulières. Cela peut dépendre de la fonction qu'on exerce. Peut-être arrive-t-il à tel ou tel d'entre vous, s'il vient à mentir dans le cadre de son métier, de violer aussi, par là même, telle ou telle loi. Je ne sais pas; je ne veux pas le savoir. Mais je sais que moi, lorsque je mens (ce qui m'arrive rarement, mais qui peut m'arriver parfois, comme à tout le monde), je ne viole aucune loi.

Aucune loi n'interdit l'égoïsme.

 Aucune loi n'interdit le mépris.

Aucune loi n'interdit la haine.

Aucune loi n'interdit - c'est aussi bête que cela - la méchanceté.

Si bien que notre individu parfaitement légaliste pourra, en toute légalité républicaine, être menteur, égoïste, plein de haine et de mépris, en un mot méchant. Qu'est-ce que ce sera d'autre qu'un salaud légaliste? »

(André Comte-Sponville : « Le capitalisme est-il moral ? » Editions Albin Michel. p 52-53)

Qui dit mieux?

 

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