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14 juin 2020 7 14 /06 /juin /2020 16:55
Différence vs racisme

On peut lire dans « le Monde » du 14/15 juin 2020 de Sibeth Ndiaye, membre de « La République en marche » et porte-parole du gouvernement :

«  …faire vivre l'universalisme par un effort envers les minorités visibles. Il faut reprendre ce fil avec audace, renouer avec le réel d'une souffrance. Il nous faut sortir d'une double assignation: la couleur de peau, et l'identité culturelle supposée que désigne cette couleur de peau. Cette double assignation, …  je la vis en tant que ministre lorsqu'on moque mes robes colorées: si j'aime la couleur et le wax, ce serait parce que je suis Noire. « En tenue de cirque », je serais donc « indigne» de représenter la France. Ce n'est pas anecdotique, c'est le signe qu'il faut sortir de cette prison mentale et identitaire".

Disons le clairement et sans détour : « tenue de cirque » ou « indigne de représenter la France »  disqualifient ceux qui se sont autorisé de tels propos envers quiconque.

Mais à tout confondre, on assombrit le débat. Sans aucune intention d’exclure ou de stigmatiser quiconque, il n’est pas indigne de se sentir décontenancé par une manifestation hors norme dans un contexte donné. On peut parier sans risque que si le député des Landes Jean Lassale arrivait au Parlement coiffé d’un large béret, muni d’un bâton de berger et chaussé de gros sabots cela déclencherait les mêmes sourires. Au pire, il peut s’agir d’un conservatisme étroit. Certes, on ne peut exclure la bêtise. Mais où est le racisme là-dedans ? Ainsi :

Alain Finkielkraut, citant l’antrhopologue Claude Levi-Strauss  écrit dans « l’identité malheureuse » :

Ouvrez les guillemets :

  • «  l'humanité ne se développe pas sous le régime d'une uniforme monotonie mais à travers des modes extraordinairement diversifiés de sociétés et de civilisations ».
  • Mais en 1972, Claude Lévi-Strauss prononce à l’UNESCO une conférence, Race et culture, et là, devant les délégués majoritaires et médusés des pays du tiers monde, il fait scandale. Il avait écrit le bréviaire de l'antiracisme; le voici qui montre que « le problème du racisme est bien plus complexe que ne l'affirment tous les jours les « moralistes» en se croyant, qui plus est, lévi-straussiens. À la confusion régnante entre attitudes normales et penchants criminels, Lévi-Strauss oppose une définition aussi précise que possible du racisme. Cette doctrine, dit-il, est une doctrine qui peut se résumer en quatre points : il existe une corrélation entre le patrimoine génétique et les aptitudes intellectuelles; ce patrimoine est commun à tous les membres de certains groupes humains; ces groupes appelés races peuvent être hiérarchisés; cette hiérarchie autorise les « races» dites supérieures à commander, à exploiter les autres, éventuellement à les détruire.

Ce discours scientifiquement indéfendable conduit à des pratiques abominables, mais, prévient solennellement Lévi-Strauss « On ne saurait ranger sous la même rubrique ou imputer automatiquement au même préjugé l'attitude des individus ou des groupes que leur fidélité à certaines valeurs rend totalement ou partiellement étrangers à d'autres valeurs. » Ne pas confondre donc racisme et quant-à-soi. Consommateurs planétaires, nous ne sommes pas, pour autant, des êtres interchangeables et nous avons le droit d'aspirer à ne pas le devenir. « Il n'est nullement coupable de placer une manière de vivre ou de penser au-dessus de toutes les autres et d'éprouver peu d'attirance envers tels ou tels dont le genre de vie, respectable en lui-même, s'éloigne par trop de celui auquel on est traditionnellement attaché. » Et Lévi-Strauss de conclure: "Cette incommunicabilité relative n'autorise pas à opprimer ou à détruire les valeurs qu'on rejette ou leurs représentants, mais, maintenue dans ces limites, elle n'a rien de révoltant. Elle peut même représenter le prix à payer pour que les systèmes de valeurs de chaque famille spirituelle ou de chaque communauté se conservent, et trouvent dans leur propre fonds les ressources nécessaires à leur renouvellement. »

Nous ne produisons du neuf qu'à partir de ce que nous avons reçu. Oublier ou excommunier notre passé, ce n'est pas nous ouvrir à la dimension de l'avenir: c'est nous soumettre. sans résistance, à la force des choses. Si rien ne se perpétue, aucun commencement n'est possible. Et si tout se mélange, non plus. L'ancien et le moderne risquent de sombrer ensemble dans l'océan de l'indifférenciation. Le monde humain et terrestre a besoin de frontières. Lévi-Strauss nous invite donc, nous autres. Français, nous autres, Européens, à revoir nos prétentions à la baisse, sans pour autant renoncer à ce qui nous fonde. Nous devons, dit-il, tirer les leçons du xxe siècle en faisant la place à l'altérité. Mais ne sommes-nous pas nous-mêmes l'autre de l'Autre? Et cet autre n'a-t-il pas le droit lui aussi d'être et de persévérer dans son être? L'abandon de la grande ambition des Lumières, qui était de donner au monde entier notre visage, ne doit pas conduire à l'effacement de ce visage. Et pour bien se faire comprendre, Lévi-Strauss prêche par l'exemple. Dans De près et de loin, un livre d'entretiens avec Didier Eribon, publié en 1998, il affirme que si une communauté ethnique « s'accommode du bruit ou même s'y complaît", 'il ne la vouera pas aux gémonies, il ne prononcera pas son exclusion du genre humain et il se gardera bien évidemment d'incriminer son patrimoine génétique. Toutefois, ajoute-t-il, "je préférerai ne pas vivre trop près, et n'apprécierai pas que sous ce méchant prétexte, on cherche à me culpabiliser ».

Fin de citation.

Que tout cela est justement et bien dit

 

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